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Par le bleu et insidieusement Christine Fourmy ouvre l’univers des émotions impressionnistes. Les mouvements du vent oscillent jusqu’à sa cheville et elle maintient le cap dans l’écume des jours. Il faut du temps parfois pour que la surface apparaisse signée parfois d’un petit arbuste lumineux entrelacé de noir, entremêlé aux verts profonds d’accords rabattus. Il y a de petites formes obscures dans l’arrière-plan dont quelques fragments s’élèvent droit au ciel comme un cantique solennel. Christine Fourmy caresse la surface pour en faire agripper la couleur. Elle juxtapose, fond, forme des taches, extrait les jaunes et les blancs. Émane un bleu au bout du trop-plein de lumière surplombée d’ombres. Soudain l’artiste laisse retomber le pinceau au bout de la matière avant de le reprendre à nouveau imbibé de jaune, blanc et vert : tac… tac… tac…il faut entendre le son du pinceau se marier au jazz des pulsations du coeur et du temps. La musique du pinceau mue sur le papier ou la toile qui ne veut pas connaître les passages sombres de l’âme. La peinture se vit légère tant que faire se peut, ancrée dans le présent et la nature, là où tout est réel, spectaculaire et en même temps onirique .

Dans chaque oeuvre Christine Fourmy ose un voyage vers l’infini du jour par hommage à l’amitié sincère du printemps resplendissant de couleurs. Sur le motif, les deux mains dans la broussaille, l’artiste en a parfois pour des jours et des jours à faire le découpage des textures, couleurs et clairs-obscurs. Il n’y a rien à dire, il ne faut qu’observer la surface, comme le fait l’artiste lorsqu’elle peint patiemment en silence ou en écoutant Glass, Diana Krall et tous les autres qui savent faire de l’espace musique une réalité tactile. La douceur du support surprend l’artiste chaque fois que le pinceau s’y aventure. Elle ne pense plus à rien . En elle, plus que le jaune, le rouge, le bleu, le blanc. Les couleurs se mélangent, se dégradent, s’esquivent; se « complémentent », se complimentent, se sentent rompues par addition ou par soustraction de jus humain. Pas d’empâtement encore : que des formes qui se passent les unes par-dessus les autres, s’entrecoupent, s’entrecroisent, se frottent à la lumière ou fuient dans la profondeur du support pour se cacher, s’esquiver, se reposer et faire face… Du jaune, le ciel est devenu royal, divin, mâle, proche, puissant. Parfois se mêle une autre couche de ciel fine, très fine. Elle change l’aspect du tableau. Tout est mouillé partout et doit sécher avant de continuer à nouveau. Une nouvelle fois Christine Fourmy contourne les formes, les baigne de lumières diffusantes. La couleur est dans le flou, mais tous les plans sont à leurs places. S’opère le passage de l’apparence à la forme-couleur. Des séries de correspondances s’affinent et se métamorphosent entre les formes géologiques et celles que la créatrice fabrique. Par la force de la couleur toute mélancolie profonde s’évacue. Ombre et lumière sont donc reconsidérées et mises en communication selon une sorte d’élargissement qui évite la division de la structure optique. Surgit enfin ce dont Sutherland rêvait : « un art totalement étranger à l’homme et à la nature mais tout autant profondément en eux ».

Jean-Paul Gavard-Perret .